Kübel de Normandie

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Il était une fois, en Juin 1984, une histoire de Kübel : au cours du convoi des véhicules pour le 40 è anniversaire du débarquement, je suis informé, au hasard des badauds qui tournent autour des engins US, qu’ « on a vu », dans une sablière des bords de Seine, 2 anciennes voitures des « boches »….
Vérification faite en Août sur place, plus rien ! Déception…

Un an plus tard, l’Ami Patrice me demande si je serais intéressé par une Kübel à restaurer.

On va voir l’engin  chez l’Ami A. et j’apprends qu’il s’agit d’une des 2 voitures provenant de la sablière ! Le second véhicule est une amphibie VW, partie, celle-là, chez un autre amateur !
La boucle est à-moitié bouclée !
La Kübel est devant moi, ses gros phares de Simca 5 semblent me dire : « Au secours, fais quelque chose…. » Je m’empresse de l’acquérir : la voiture est tournante, relativement complète, peinte d’une couleur vert jardin bien épaisse ; elle a été utilisée comme véhicule de service de 1947 jusqu’aux années 80, elle a sa plaque constructeur et sa carte grise normale.

Le transport s’effectue tout naturellement, un glacial matin de décembre 85, la Kübel tractée à la barre derrière l’Estafette, sur 50 km , dans le brouillard et une traversée intégrale de Rouen par les quais et les boulevards ! Heureux temps !

Elle a subi bien des outrages, au cours de ses 8 mois de guerre : mitraillée à l’avant gauche et à l’arrière droit ; une balle de 9 mm est aussi retrouvée coincée en fond de caisse. Sa vie civile, beaucoup plus longue, n’a pas été meilleure : ses jantes sont disparates, la planche de bord bien mal, circuit électrique HS et 2 écopes d’air, style aviation, trouent les parois AR pour aider le moteur à respirer….

Avant d’entamer le démontage, on lui refait une santé provisoire, allumage, essence, batterie et roule ma poule par les chemins et les bois !

On arrête les essais sur panne moteur (bielle coulée) et on démonte toute la machine pour rapatrier le puzzle 100 km au sud.
Quelques recherches pour retracer l’histoire de l’engin sont faites. Aucun marquage n’est retrouvé, sauf son immatriculation civile de 1946 : 446 XB 3 et la classe d’antiparasitage dans le compartiment moteur : Entstort nach Gruppe II. Un courrier de Volkswagen AG m’apprend que le véhicule est sorti le 20/12/1943, et livré à Kassel le 22 /12, en tant que Funkwagen (véhicule radio). Des indices sur la caisse prouvent d’ailleurs cette utilisation.
Vu la rareté des pièces radio et le manque d’info à l’époque, elle sera refaite en simple PKW 4 places.

Son moteur est un bloc de VW 166, assez fatigué. C’est la 1ère étape, non sans aléas : le vilebrequin déjà bien malade, confié à un atelier de rectification d’Evreux, me revient avec les 4 tétons de volant coupés à ras ! Merci les gars… L’Ami René me dégote une autre vilebrequin, qui a passé 40 ans dans une épave immergée dans la Dives, mais les paliers sont neufs sous les coussinets… Les cylindres sont en dernière cote réparation mais sauvables ; les pièces d’usure sont trouvées chez le concessionnaire VW local : en 1986, c’était encore possible.

Le châssis et les trains roulants suivent.

La caisse est décapée manuellement : sous le vert jardin qui l’a protégée, la voiture a sa couleur jaune caractéristique.


Je ne voulais surtout pas d’une caisse « actuelle », donc toutes les tôles sont celles d’origine, plus ou moins remises d’aplomb, sauf le plancher du bac à batterie, refait en acier neuf ! Mais on ne touche pas aux dégâts provoqués par le mitraillage, Histoire oblige !
S’ensuit une période « blanche » pour causes de mariage, enfant, déménagements, maison, et la Kübel est rééquipée de sa caisse pour les transferts, à la barre ou sur plateau…


On la démarre de temps en temps, mais rarement…

Dans les années 2010, le fiston commence à voir d’un mauvais œil la Kübel empoussiérée : il attaque la dernière phase, circuit électrique, éclairage, ponçage et peinture extérieure ; une sellerie et capote neuves sont commandées chez Mr Krajewski.

Entre-temps, la boîte joue un drôle d’air : un roulement grippé et une fourchette déformée. Puis les joints moteur ont séché et durci, c’est une fontaine à huile, ce moulin : Spi du volant et des tubes enveloppe HS. On ressort le bloc moteur 5 ou 6 fois avant de résoudre ces ennuis.

Et c’est qu’on arrive début 2014 : Le chantier a duré 29 ans ! Quelques essais routiers, après une peinture de camouflage par l’ ami Patrice;

les marquages d’unité retenus sont ceux de la 17 ème Luftwaffe Feld division, dernière à avoir combattu dans notre secteur, le 20 Août 44.
L’épreuve du CT est passée avec bonheur, chez Autosur à Verneuil sur Avre, par un technicien bienveillant.

et en CG normale.
La voiture parcourt 1300 km, en Juin, pour le 70 ème Anniversaire du Débarquement, sans souci


Bien sûr, des éléments seront à revoir, la restauration des années 80/90 s’est dégradée : pipe de réchauffage, un bon carbu, les suintements d’huile aux réducteurs, des pneus en 5.25 x 16… Mais elle roule extrèmement bien tout de même. Une future étape pourrait être la remise au standard « Funkwagen » !

Cette même année 2014 nous fait rencontrer le propriétaire de la VW 166, elle aussi restaurée et sœur de labeur de notre Kübel dans la sablière. Reste à les faire se rencontrer un jour et la boucle sera défintivement bouclée !

Ludovic/Secrétaire HVCA